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DIVORCE ET STATUT DE LA FEMME MAROCAINE

31 08

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DIVORCE FEMME MAROCAINE

Après être restée longtemps dominée par l’homme, la femme marocaine a finalement pu briser ses chaînes. Elle est de plus en plus indépendante. Faisant preuve de compétence et d’aptitude à la performance, elle a pu donner une autre image d’elle-même. Aujourd’hui, une femme marocaine arrive plus facilement à accéder à sa liberté et n’a généralement plus peur de mettre fin à une vie conjugale étouffante. «A l’adoption de la Moudawana en 2004, le droit des femmes marocaines a été reconsidéré. Donc la femme est devenue “presque” l’égale de l’homme grâce au nouveau Code de la famille. Ainsi, elle peut donc demander le divorce facilement. Avant, le juge n’acceptait la demande que dans le cas exceptionnel où l’épouse présentait des preuves de “préjudices subis” et parfois il lui fallait des témoins.

Le statut des femmes marocaines était nettement plus défavorable que dans d’autres pays du Maghreb. Toutefois, il reste fondé sur l’obéissance et la tutelle», souligne Abdelaziz Lahcini, juriste à Casablanca. 
Malgré cette revalorisation de leurs droits, plusieurs catégories de femmes, notamment les divorcées, souffrent toujours de l’intolérance de la société.

Elles sont souvent rejetées. «Être une femme divorcée est mal vue par tout le monde y compris sa propre famille», lance Mounia. «On a divorcé et mon mari m’a mise à la porte sans me prévenir. Ça a été un coup dur pour moi. C’est la plus pénible expérience de toute ma vie. Je n’avais pas où aller sauf la maison de mes parents, les seules personnes qui puissent me soutenir. Malheureusement, à leurs yeux, j’étais la seule responsable. Ils ont refusé de me comprendre. Le pire est qu’ils ne sont pas les seuls à me juger à cause de mon divorce. Tout le monde pense que si j’étais répudiée c’est que je l’ai mérité. Certains disent que j’étais sûrement stérile ou paresseuse, que je ne savais pas cuisiner et tenir la maison... D’autres m’accusent d’avoir trompé mon mari. Et comme je ne travaille pas, je ne pourrai jamais changer cette situation. Ma vie est devenue un enfer depuis mon divorce», poursuit-elle.

Mounia n’est pas la seule à vivre cette situation. En général, une femme divorcée au Maroc est une femme «maudite». Beaucoup de femmes mariées n’ont pas le courage de demander le divorce même si elles souffrent quotidiennement à cause de leur époux. Elles sont convaincues qu’une femme divorcée souffre plus. Selon Mohssine Benzakour, psychosociologue, l’imaginaire collectif continue de coller des étiquettes réductrices aux femmes divorcées. «Seul un mariage par amour peut changer cet imaginaire collectif.

Malheureusement, celui-ci n’est pas assez répandu chez nous. En effet, même le mot “je t’aime” est mal vu dans la culture traditionnelle et il ne faut pas le dire à sa future femme, “hchouma” c’est honteux», explique-t-il. «La femme divorcée avec des enfants ou sans enfants doit être intégrée et non rejetée par la société, et pour ça, il faut que sa famille et ses amis la soutiennent pour qu’elle devienne forte et que les médias cessent d’ancrer ces clichés emmitouflés dans les mentalités à travers des œuvres lamentables qui ne font qu’asphyxier notre société par des préjugés et des stéréotypes sexistes. Et pour finir sur une note optimiste, j’ai eu le plaisir de rencontrer dans mon pays des hommes et des femmes divorcés qui ont trouvé le compagnon (la compagne) de leur vie en valorisant les qualités humaines, en cherchant l’entente, le courage, l’amour, le bonheur qui sont les vrais critères pour refaire sa vie», poursuit Benzakour.

Qu’il soit choisi ou subi, le divorce reste une étape pénible. Et quand il y a des enfants en plus à prendre en charge, la situation devient encore plus compliquée. Le destin ne laisse guère le choix à ces femmes qui doivent du jour au lendemain faire le deuil d’un mari et également retrouver une force quasi surhumaine pour continuer à avancer et à s’occuper de leurs enfants, toutes seules. En effet, ces mamans, ayant toujours vécu sous tutelle masculine, se retrouvent tout d’un coup chefs de famille et sont alors souvent sans appui, désemparées financièrement et fragilisées sur le plan psychologique. Sans oublier qu’elles ont encore plus de mal à refaire leur vie avec quelqu’un d’autre. Même si une maman divorcée réussit à trouver un homme qui l’accepte tel qu’elle est avec ses enfants, elle ne pourra pas se remarier. Dans ce cas, elle risquerait de perdre la garde de ses bambins.

L’image de la femme est entachée de stéréotypes et de clichés qui ont donné des représentations sociales telles : femmes soumise, dépendante, passive, marginalisée de la société, qui sait tout faire, qui est vierge «clean», qui ne rouspète jamais : une femme «parfaite». Ce qui veut dire que la femme divorcée «hajjala» (terme péjoratif du dialectal marocain) est mal vue et même une proie facile. Ce type de regard, malheureusement, persiste encore. Et si les évolutions de la condition féminine sont perceptibles dans les grandes villes du Royaume, le changement tarde dans la majeure partie du pays. Pire encore, les médias participent parfois d’une manière directe à cette stigmatisation en confinant la divorcée dans le rôle de la victime, de l’assistée, la traditionnelle, la mère qui doit faire des sacrifices et se résigner, qui attend un homme sauveur de l’humiliation et pas du tout une femme qui prend son destin en main, sachant que la femme marocaine (divorcée ou non) est combattante et n’a plus à faire ses preuves dans divers domaines.

Elle est dirigeante d’entreprise, actrice associative ou politique, ministre, avocate, médecin, écrivain, enseignante, chercheuse… Elle a pu s’imposer dans différentes sphères sociales. Bref, la femme marocaine actuelle est une femme active et qui joue un rôle important dans la société marocaine. A noter que, dans notre société à deux vitesses, ce sont toujours les couches populaires, engoncées dans les traditions, qui tiennent le haut du pavé par rapport aux élites instruites, modernisées, mais minoritaires. En définitive, je peux dire que le regard de la société n’a pas beaucoup changé, sachant que la définition de la femme se fait autour du discours de la domesticité. Le cliché de la femme est celui de la femme mariée, dépendante, passive, marginalisée de la société. Donc, la femme divorcée en général est mal acceptée par la société marocaine.

Samira, 29 ans
«Le divorce est une étape difficile»
«Cela fait un peu plus d’un an que je me suis séparée de mon ex-mari après deux ans de vie commune. Certes, le divorce est pénible, mais nous n’avions pas d’autres solutions. Il a complètement changé après le mariage. La vie entre nous est devenue un véritable enfer ; des conflits et des disputes à longueur de journée… Pour le moment, je ne pense toujours pas à me remarier même si mes parents, et surtout ma mère, veulent que je refasse ma vie avec quelqu’un d’autre. Les mauvais souvenirs de mon premier mariage sont encore frais dans ma tête et me traumatisent toujours. J’ai peur de “me faire avoir” encore une fois. Mais si un jour je sens que j’ai besoin de me remarier, je ne sais pas si je réussirai à trouver quelqu’un qui acceptera sans problème mon statut de femme divorcée. Les hommes vont certainement préférer épouser une jeune fille qui ne s’est jamais mariée. J’en suis convaincue»
Hasna, 35 ans
«Je vis bien mon divorce»
«Ça va faire bientôt six ans que je suis divorcée. Mon ex-mari m’a non seulement culpabilisée durant longtemps parce que je ne pouvais pas lui donner d’enfants, mais il m’a également trompée plusieurs fois avec d’autres femmes. Au début, j’ai mal vécu cette expérience; mais aujourd’hui, les choses ont changé. Je crois que c’est la meilleure décision que j’aie pu prendre dans ma vie. S’il y a une chose que je regrette, ce serait sûrement toutes les années que j’ai perdues avec mon ex-mari. Maintenant, je suis bien plus tranquille dans ma tête et je suis libre de tout engagement. Je n’ai aucun compte à ne rendre à personne et je suis indépendante financièrement. Je vis avec ma mère. Je prends soin d’elle et de moi aussi, je sors avec mes copines, je voyage… Je consacre également beaucoup de temps à mon travail parce que je veux réussir ma carrière professionnelle. Une chose est sûre : je ne me remarierai jamais. J’ai tourné cette page définitivement»
Rim, 27 ans
«Mon fils sera ma raison de vivre»
«Je me suis mariée à l’âge de 22 ans, j’ai eu mon premier enfant à 24 ans et aujourd’hui je suis en plein divorce. Mon histoire est celle de tant d’autres et n’a rien d’original, mais il est toujours difficile de surmonter une situation pareille. L’homme auprès de qui j’ai toujours rêvé de terminer ma vie me traitait mal. Il me frappait, m’humiliait… il ne pensait même pas au bien-être de son fils. Comme je ne pouvais plus supporter cette situation, j’ai décidé de demander le divorce pour pouvoir faire le deuil de cette histoire. Seulement, je ne croyais pas que mes parents n’allaient pas me soutenir. Depuis que j’ai débarqué chez eux avec mon enfant et que je leur ai annoncé la nouvelle de ma séparation avec mon mari, ils n’arrêtent pas de me faire des reproches et de me critiquer. Souvent, je craque. Heureusement que j’ai mon fils avec moi. Il me donne de la force pour me battre et aller de l’avant. Il est toute ma fierté, mon bonheur et ma joie».