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Publié le 29 janvier 2011

Réforme de la garde à vue…

GARDE A VUE REFORME

Le texte actuel prévoit d'ajouter, dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, un alinéa précisant que les déclarations faites par un individu qui n'a pas été assisté d'un avocat ou n'a pas eu d'entretien avec un avocat ne peuvent servir de seul fondement à une condamnation correctionnelle ou criminelle (art. 1A du projet). Cet amendement proposé par le garde des Sceaux (qui fait référence à l'arrêt Salduz c. Turquie, CEDH 27 nov. 2008, n° 36391/02) n'a soulevé de discussions que sur la mention de l'adjectif « seul » mais il prête déjà à discussion. En effet, certains juristes voient là le moyen de mettre à néant toute velléité de solliciter une nullité de la garde à vue ayant eu lieu sans la présence d'un avocat puisque le prévenu ne pourra plus invoquer de grief à l'appui de sa demande de nullité (V. Eolas). Les conditions de la garde à vue : De nouveaux articles seraient introduits dans le code de procédure pénale (art. 62-1 et 62-2) ; le premier propose une définition de la garde à vue et des conditions de placement en garde à vue ; le second indique que la garde à vue est contrôlée par le ministère public pour les quarante-huit premières heures (la commission des lois souhaitait un contrôle par le JLD qui a été écarté par le gouvernement). L'audition libre a, quant à elle, été définitivement écartée par le gouvernement (sous réserve des exceptions à la présence immédiate de l'avocat, V. ci-dessous). On relèvera que la garde à vue sera possible dès qu'une peine d'emprisonnement sera encourue, sans minima de peine (le texte actuel prévoit la possibilité de placé en garde à vue dès qu'il y a infraction ce qui est une notion plus large). Et ce sera toujours le procureur qui prendra la décision de prolonger la mesure au-delà de vingt-quatre heures mais sa décision, en plus d'être écrite, devra être motivée et la présentation de la personne au procureur deviendra la norme (la non-présentation devenant l'exception). Le droit de se taire, après avoir décliné son identité, sera (de nouveau !) notifié à la personne placée en garde à vue (futur art. 63-1). L'intéressé pourra demander à conserver, « au cours de son audition, les objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de la dignité » (futur art. 63-6). L'examen médical du gardé à vue afin de déterminer si la mesure est compatible avec son état de santé devra désormais se faire dans un lieu préservant l'intimité de l'intéressé sauf demande contraire du médecin (futur art. 63-3, al. 1). C'est un médecin uniquement qui pourra procéder aux fouilles corporelles ; les fouilles intégrales seront, quant à elles, décidées par des officiers de police judiciaire (OPJ), effectuées par une personne de même sexe dans un espace fermé. L'entrée de l'avocat dans les commissariats. Les conditions de l'assistance de l'avocat seraient fixées aux articles 63-3-1 àV63-4-5 du code de procédure pénale. L'avocat pourra s'entretenir trente minutes avec son client au début de la mesure et à nouveau trente minutes si la mesure est prolongée. Il pourra demander à consulter les procès-verbaux (PV) de notification de la mesure et des droits dont bénéficie le gardé à vue, ceux d'audition de son client ainsi que le certificat médical constatant la compatibilité de l'état de santé avec la mesure. La personne gardée à vue pourra demander la présence de son avocat lors des interrogatoires et celui-ci ne pourra intervenir en posant des questions qu'à l'issue de l'audition ; questions qui pourront être refusées par le policier aux motifs qu'elles peuvent nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne. L'avocat aura la possibilité de présenter des observations écrites à la fin de chaque entretien et de chaque audition à laquelle il aura assisté. Dans l'hypothèse d'une confrontation avec la victime, celle-ci peut demander l'assistance d'un avocat lorsque le gardé à vue est lui-même assisté.
L'avocat qui, selon l'officier de police judiciaire, troublera « gravement le bon déroulement d'une audition ou d'une confrontation », pourra être remplacé par un confrère sur intervention du procureur qui saisira le bâtonnier.
Un délai de « carence » de deux heures est prévu pour permettre à l'avocat d'arriver auprès de son client : durant ce délai, la personne gardée à vue ne peut être auditionnée. Toutefois, des exceptions sont prévues qui prêtent d'ores et déjà à discussion et sont dénoncées notamment par le Conseil de l'ordre du Barreau de Paris (motion du 25 janv. 2011, communiqué de presse du 26 janv.).
Le parquet pourra, par décision écrite et motivée, autoriser l'audition de la personne gardée à vue immédiatement, sans attendre la fin de ce délai de deux heures ; la présence de l'avocat pendant les auditions et la consultation des PV d'audition pourra même être différée pendant douze ou vingt-quatre heures lorsque la personne sera retenue pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement (mais dans cette dernière hypothèse, il faudra une décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention).
Il faut également souligner que dans le cadre de crimes et délits flagrants, lorsqu'une personne aura été conduite à un policier par un quidam, le placement en garde à vue n'est pas indispensable puisque cette personne, « n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs » (nouvel alinéa qui sera inséré à l'art. 73 c. pén.). Régimes spéciaux : En matière de criminalité et délinquance organisées (art. 706-73 c. pr. pén.), l'intervention de l'avocat (et non seulement l'assistance aux auditions) peut être différée pour les vingt-quatre premières heures par le procureur. Au-delà, le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction, par décision écrite et motivée, peut encore repousser cette intervention pendant vingt-quatre heures supplémentaires ou même quarante-huit heures en matière de stupéfiants ou terrorisme (soit un total de 48  ou 72 h. sans avocat). En matière de terrorisme il est prévu qu'il peut être demandé au bâtonnier de désigner un avocat figurant sur une liste spéciale « d'avocats habilités » élus par le Conseil national des barreaux… Le régime des retenues douanières, en cas de flagrant délit douanier, est aligné sur celui des gardes à vue (art. 14 bis du projet de loi). Les personnes gardées en cellule de dégrisement pourront être placées sous la responsabilité d'un garant directement sans être auditionnées si cela ne s'impose pas (art. 14 ter du projet de loi). Les dispositions du code de procédure pénale sont mises en conformité avec les exigences européennes posées par l'arrêt Moulin (CEDH 23 nov. 2010, n° 37104/06, Dalloz actualités, 24 nov. 2010, obs. S. Lavric) en cas d'arrestation dans le cadre d'un mandat d'arrêt délivré par un juge d'instruction d'un tribunal éloigné territorialement. Ce sera désormais le JLD qui contrôlera l'exécution de la mesure jusqu'à ce que la personne soit conduite devant le juge d'instruction à l'origine du mandat. Détails d'importance L'article 18 du code de procédure pénale sera légèrement modifié dans son troisième alinéa afin de permettre une extension de la compétence territoriale des OPJ au ressort des tribunaux limitrophes en dehors des cas de flagrance (art. 11A du projet de loi).
Enfin, petite précision sémantique : on ne parlera plus d'interrogatoire mais d'audition durant la garde à vue. La réforme de la garde à vue est désormais entre les mains des sénateurs…

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